La Réunion et ses spécifités juridiques !

Ile tropicale, au cœur de l’océan Indien, bien connue pour son volcan, ses plages et son rhum arrangé, La Réunion est avant tout un département d’outre-mer disposant d’une industrie propre et d’une économie de services en plein essor. Même si La Réunion est un département français, certaines dispositions spécifiques s’y appliquent. Elles nécessitent une attention particulière de la part des juristes pratiquant dans les entreprises locales. Les questions spécifiques relatives à la concurrence sont certainement celles qui doivent faire l’objet de toute notre attention notamment en raison de l’étroitesse du marché local, et en raison des plans d’action fixés par l’Autorité de la Concurrence.

Article rédigé par la délégation régionale AFJE de la Réunion

 

Ancienne colonie agricole, l’île de la Réunion est devenue au fil du temps une région moderne avec un tissu économie varié et dynamique malgré sa situation géographique qui a pu constituer un frein à son développement. Depuis quelques temps, le circuit court connaît un grand succès à la Réunion et a donné lieu à la naissance de nombreuses entreprises.

Même si elles se trouvent à des milliers de kilomètres de la métropole française, les entreprises réunionnaises connaissent sensiblement les mêmes défis que leurs homologues métropolitaines, à l’exception de certains sujets qui concernent plus particulièrement les territoires d’outre-mer, comme les exclusivités d’importation, la qualité de l’offre alimentaire ou encore l’octroi de mer.

L’Autorité de la Concurrence avait d’ailleurs indiqué que l’une de ses priorités pour 2020 était la concurrence en outre-mer, ce qu’elle n’a pas manqué de montrer au cours de cette année.

 

Les exclusivités d’importation. Le marché réunionnais est un marché très étroit – à peine plus de 850 000 consommateurs et peu de perspectives d’exportation de produits dans la région. Il y est donc compliqué de trouver des économies d’échelle. Cela a pu conduire – au travers des années – à une concentration des différents marchés entre les mains de certaines entreprises locales ou étrangères et a également contribué à des prix consommateurs supérieurs à ceux pratiqués en métropole. Afin de remédier aux problèmes spécifiques à la concurrence en outre-mer, et notamment de mettre un terme à des situations monopolistiques et de permettre une diversification de l’approvisionnement, un certain nombre de dispositions législatives ont été prises à l’instar de la loi du 20 novembre 2012 relative à la régulation économique en outre-mer, dite loi Lurel, qui prohibe les accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'accorder des droits exclusifs d'importation à une entreprise ou à un groupe d'entreprises dans les collectivités d’outremer ou encore et la loi du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-mer, dite loi EROM, qui vise à réduire les écarts de développement entre les territoires d'outre-mer et le territoire métropolitain.

Le respect de ces dispositions est assuré par l’Autorité de la Concurrence qui ne manque pas de sanctionner les auteurs mais aussi les entités bénéficiant des droits exclusifs, c’est ce qui ressort de la  décision 19-D-20 du 08 octobre 2019 relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la distribution de produits de parfumerie et cosmétiques aux Antilles, en Guyane et à la Réunion. Dans cette décision, les fournisseurs ont été sanctionnés pour avoir octroyé des droits exclusifs d’importation et les grossistes-importateurs ont également été sanctionnés pour avoir bénéficié de droits exclusifs.

 

La qualité de l’offre alimentaire. Produits laitiers, céréales, chocolats, biscuits, gâteaux... Autant de produits consommés au quotidien, dans les territoires d’outre-mer comme en métropole, mais qui contenaient plus de sucres ajoutés en outre-mer, que les mêmes produits commercialisés en France.

C’est l’une des raisons qui explique qu’à la l’île de la Réunion, on dénombre deux fois plus de personnes diabétiques que dans l’Hexagone. Mais, la question du sucre ajouté n’est pas la seule problématique : les dates limites de consommation des denrées alimentaires sont également concernées. En effet, certains fabricants fixent des dates limites de consommation (DLC) différentes pour le même produit vendu en France et outre-mer. Par exemple, certains produits laitiers étaient étiquetés avec une date limite de consommation de 30 jours en France, contre 55 jours en Martinique ou en Guadeloupe.

Fort de ce constat, la loi n° 2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer a ainsi permis de garantir aux réunionnais l’accès à une alimentation de même qualité que celle proposée aux métropolitains, et de lutter ainsi de façon implicite contre l’obésité.

Un arrêté du 9 mai 2016, portant application de la loi n° 2013-453 du 3 juin 2013 visant à garantir la qualité de l'offre alimentaire en outre-mer, est venu s’ajouter à cette loi et concerne les aliments fabriqués directement en outre-mer mais pas en métropole.

Aujourd’hui, les entreprises ultramarines qui produisent ou importent des denrées alimentaires ont l’obligation de s’assurer que celles-ci ne contiennent pas plus de sucres que les mêmes produits commercialisés en métropole.

 

L’octroi de mer. Ce terme un peu barbare fait référence à une imposition spécifique des départements et régions d’outre-mer dont l’origine remonte au « droit de poids » institué en 1670. Cet impôt ancien – qui à l’origine permettait de taxer les produits qui arrivaient dans les départements d’outre-mer – permettait de financer les colonies.

Aujourd’hui, l’octroi de mer constitue une taxe qui est perçue par l’administration des douanes qui bénéficie aux collectivités locales et représente une ressource financière importante pour ces collectivités.

A la Réunion, l’octroi de mer s’applique sur de nombreux produits ou biens qui y sont importés mais aussi aux produits et biens fabriqués localement, à un taux moins élevé. L’octroi de mer permet également de soutenir la production locale qui – en raison de l’absence d’économies d’échelle notamment – souffre de coûts élevés.

Cette taxe a suscité les inquiétudes des autorités européennes dès l’origine. D’un simple droit de douane visant à protéger l’économie locale, elle est devenue au fil du temps une imposition indirecte interne, instable, non prédictible, complexe et – pour certains – inefficace ; pour d’autres salvatrice. S’inscrivant en totale contradiction avec les principes de libre circulation des biens et marchandises, la suppression de l’octroi de mer est envisagée depuis quelques années. Cependant, cela reste un sujet délicat pour les collectivités puisque l’octroi de mer représente, selon le rapport 2019 de l’Observatoire des finances de la gestion publique locale, une manne financière importante pouce ces collectivités : à Mayotte par exemple, l’octroi de mer représente 76,5% des recettes fiscales !

Vecteur de vie chère et sortant des principes de l’acte Unique de 1986, le conseil européen plaide en faveur de la suppression de l’octroi de mer. Ce débat autour sa suppression reste aujourd’hui un sujet épineux.

Pour ou contre la suppression de l’octroi de mer, en attentant la fin de ce débat, il faut noter que des règles existent en matière d’octroi de mer et afin qu’elle soit compatible avec le droit européen, l’octroi de mer doit être autorisé par les autorités européennes, dans des conditions proposées par les autorités françaises et pour une période contractuelle. Le prochain renouvellement est prévu en juin 2021…

 

Naissance de la délégation AFJE de La Réunion

De nombreuses entreprises réunionnaises disposent d’un service juridique, mais jusqu’à ce jour il n’existait 
aucun réseau structuré permettant aux juristes d’entreprise de créer des liens si indispensables à l’exercice 
de notre profession. 
Fort de ce constat Jacques DE PATOUL, Guillaume ALBALADEJO et Florence GRONDIN ont décidé de mettre en place 
ce réseau avec l’appui de l’AFJE. La mise en place d’un réseau de juristes leur a semblé une évidence et 
indispensable au développement de la profession. Le besoin se faisait d’ailleurs cruellement sentir lors de 
conversations avec d’autres juristes de la place. Cette structuration est d’autant plus importante quand on 
considère l’éloignement de la Réunion de la métropole. Ce réseau créera également un maillon entre la profession 
de juriste d’entreprise et les étudiants en droit de l’université de la Réunion qui répondra à leurs 
nombreuses attentes, notamment en matière de formation, de stage…
Jacques DE PATOUL, le délégué régional, est responsable juridique des Brasseries de Bourbon, filiale du 
groupe brassicole Heineken, depuis plus de deux ans, après une carrière en Belgique, au Luxembourg et 
en Nouvelle-Calédonie. 
Guillaume ALBALADEJO est juriste confirmé au sein du groupe média Antenne Réunion depuis sept ans. 
Florence GRONDIN est juriste, elle évolue dans le monde des affaires et développe ses compétences dans 
diverses branches du droit au sein du GROUPE CAILLE.

 

 


Publié le 24/02/2021