Un pour tous, tous pour un

Unus pro omnibus,  omnes pro uno*

 

Engagé pour le collectif tout en étant soucieux de l'avis de chacun, Jean-Philippe Gille, nouveau président de l’AFJE, est un membre actif de l’association depuis plus de 20 ans. Il en connaît tous les rouages, ses forces et ses axes de progrès. Homme d’action, de conviction et de cœur, il déborde d’idées et d’énergie pour fédérer les bonnes volontés et servir les ambitions de la profession. 

 

UNE OUVERTURE SUR LE MONDE DÈS SES PREMIERS PAS

 Au commencement, il y a le Luxembourg où il est né. « Un accident de frontière, plaisante-t-il, mais en définitive, ce petit pays cosmopolite me correspond assez bien. J’aime son ouverture sur le monde, son ancrage européen, ses paysages vallonnés et sa ville fortifiée par Vauban, la Gibraltar du Nord. » Puis, il fait ses premiers pas en Algérie. Il passe en effet les trois premières années de sa vie dans ce vaste pays où son père est coopérant, avant de rentrer en France et, plus précisément dans la Creuse. « Mon père a troqué les splendeurs d’un désert minéral pour celles d’un désert vert, signale-t-il. J’ai passé une grande partie de mon enfance dans cette belle campagne. Cette proximité avec la nature et la simplicité des rapports humains, notamment l’entraide, continuent à m’habiter. »

UN GOÛT CERTAIN POUR L’EXCELLENCE 

Sans transition, il délaisse ces paysages singuliers immortalisés par les impressionnistes pour rejoindre Paris afin d’intégrer le lycée Fénelon. Il y fait sa première, sa terminale et hypokhâgne. Il y développe un intérêt profond pour l’histoire et la géopolitique. Mais aucune vocation ne s’impose encore à lui. Seule certitude : il désire concilier sa passion pour les voyages et sa carrière professionnelle. Il s’oriente alors vers le droit, un peu par hasard. Mais, le hasard se transforme en opportunité : il est rapidement séduit par la matière et passe des heures à la bibliothèque Cujas. Il se passionne pour le droit des sociétés qui « est aux entreprises ce que le droit constitutionnel est aux État : le droit de l’organisation du pouvoir », résume-t-il. Son 3e cycle de droit des affaires – choisi pour suivre l’enseignement d’Alain Viandier – en poche, il décide d’exercer en entreprise. Ses stages en cabinet d’avocats, dans une étude notariale et au sein d’une entreprise l’ont conforté dans ce choix. « Je préfère participer en interne à l’aventure de l’entreprise, en m’investissant sur des dossiers sur le long terme, en travaillant en équipe, au contact des métiers opérationnels, souligne Jean-Philippe Gille. J’ai le sentiment gratifiant en tant que juriste d’entreprise de participer à une œuvre collective. » À l’issue de sa formation, il est embauché par TF1. Il y reste trois ans avant d’effectuer son service militaire, en 1996. Second de sa promotion d’élèves officiers à Saumur, il choisit d’intégrer la légion étrangère... « L’armée est une excellente école de vie et de management, on y apprend, au service de son pays, l’exigence, la solidarité, l’esprit de corps, le sens de la performance collective…, indique-t-il. Il n’y a pas de clivage : seul le talent de l’individu compte, pas son pedigree. On y découvre aussi ses limites : en stage commando, sous l’effet de la fatigue, les masques tombent, vous êtes obligé d’aller puiser en vous des ressources insoupçonnées. En tant que manager, il est impératif de connaître ses forces et ses limites pour aller plus loin. C’est une condition essentielle pour révéler et piloter des talents. » 

UN ENGAGEMENT SANS FAILLE

En 1997, il tourne la page militaire et rejoint le groupe pharmaceutique Servier. Une expérience qui va le combler en lui permettant d’assouvir deux passions : les voyages et la gouvernance. En tant que juriste spécialiste en droit des sociétés, il part constituer des sociétés aux quatre coins du monde et notamment dans les pays de l’Est, qui s’ouvraient aux investissements suite à la décomposition de l'URSS. Il va ainsi sillonner la planète. Au fil des ans, sa capacité de travail et sa curiosité font la différence : il gravit les échelons un à un jusqu’à devenir directeur juridique. « S’engager à fond est essentiel pour progresser, estime-t-il. Si Le travail est un facteur clé, l’écoute et l’humilité le sont également.. Il faut arriver à concilier le temps lent de l’écoute et le temps rapide de l’action, sans oublier un minimum de sens politique. Pour avancer, il est essentiel de se projeter avec ambition, même si les circonstances peuvent vous obliger à adapter votre projet initial. Rien ne se passe jamais comme on le souhaiterait, mais le résultat, néanmoins est atteint. De mon point de vue, c’est ce qui compte ». Pour mieux interagir avec les autres métiers de l’entreprise (finance, RH, communication…), le juriste n’a pas hésité à compléter sa formation initiale par un executive MBA Celsa-Sorbonne. « Une expérience très enrichissante, assure Jean-Philippe Gille. Une telle formation permet de côtoyer une pluralité de profils, d’ouvrir son horizon et de développer une approche globale des problématiques. Il est important pour moi de nourrir continuellement ma curiosité et ma soif d’apprendre. »

LE SUCCÈS EST ENFANT DE L’AUDACE 

Après une quinzaine d’années, il quitte Servier pour rejoindre Lactalis, à Laval, en Mayenne. « Il est important de savoir saisir les opportunités quand elles se présentent, elles vous permettent de progresser davantage et de mettre en perspective ce que vous avez appris », signale-t-il. Lorsqu'il est approché pour ce projet, il se dit qu’après les médias, l’industrie pharmaceutique, l’agroalimentaire serait une nouvelle aventure passionnante. « Je conçois le droit comme une paire de lunettes pour décoder le réel révèle-t-il. Changer de secteur d’activité permet de saisir davantage la plasticité des usages du droit. Par ailleurs, j’aime les défis et celui que l’on m’a proposé, qui consiste à accompagner le développement de l’entreprise, me correspond. J’y ai vu aussi l’opportunité – rare – de retourner en région. Au sein des États-majors parisiens, on oublie trop souvent la spécificité et l’énergie des territoires. La Mayenne est une belle région, très active, avec des entrepreneurs à la fois de juriste d’entreprise un métier d’avenir au cœur des enjeux stratégiques des organisations. 

PILIER INDÉFECTIBLE DE L’AFJE 

Volontaire et prêt à montrer au créneau, le jeune juriste d’entreprise frappe à la porte de l’AFJE dès 1997. D’abord simple adhérent, il s’est progressivement investi en occupant différentes fonctions au sein de l’association. Le déclic ? Le rapport Guillaume en 2006, qui relance l’idée d’un statut d’avocat exerçant en entreprise. Son soutien indéfectible à la cause de la confidentialité des avis des juristes d’entreprise lui ouvre les portes du conseil d’administration de l’AFJE. Le poste de trésorier lui est proposé puis celui de vice-président en charge de la stratégie. Ensuite, il est missionné pour structurer les régions. « Les délégués régionaux de l’AFJE sont des femmes et des hommesorchestres, tout à la fois, ambassadeurs, recruteurs de talents et gestionnaires de projet, détaille Jean-Philippe Gille. Pour faciliter leurs missions et l’intégration des nouveaux délégués, nous avons travaillé durant un an sur un guide. Nous avons ainsi créer une véritable communauté qui fonctionne maintenant en réseau, en capitalisant sur les travaux des uns et des autres. Cette démarche d’intelligence collective, a permis de gagner en cohésion et en efficacité. » C’est dorénavant Bruno Contestin, directeur juridique de la Voix du Nord, basé à Lille, qui est à la manœuvre. « Accepter de se dépouiller d’une fonction n’est jamais sans pincements au cœur, reconnaît Jean-Philippe Gille, mais c’est encore plus satisfaisant de laisser un héritage que d’autres sauront, à leur manière, faire fructifier. » C’est avec l’enthousiasme et la détermination qui le caractérisent que Jean-Philippe Gille s’attèle ensuite, avec Tristan Carayon et Philippe de Robert Hautequère, à développer le réseau d’experts de l'AFJE. Sous leur impulsion, les commissions se sont étoffées, structurées et professionnalisées… « Nous sommes mis en ordre de marche pour partager connaissances et bonnes pratiques, mais aussi contribuer à la fabrique du droit sur de nombreux pans du droit. Il faut persévérer dans cette voie. », estime Jean-Philippe Gille. 

SES CHEVAUX DE BATAILLE 

Ultime étape dans son parcours bénévole : "président désigné" en mars, il accède officiellement à la présidence de l’AFJE le 16 mai dernier. Il souhaite placer son mandat sous les signes de la proximité, de l’exigence et de la convivialité. « Tous les adhérents de l’AFJE m’intéressent : du directeur juridique du CAC 40 au juriste unique de PME, assure Jean-Philippe Gille. Je suis proche des adhérents comme je le suis de mon équipe. Je crois qu’il ne peut y avoir de progrès sans ambition, ni exigence, dans le sens positif du terme. » Le nouveau président veut poursuivre la structuration de l’association pour renforcer le rayonnement de la profession: « l’AFJE a vocation par son histoire – les juristes d’entreprise lui doivent l’article 58 de la loi de 1971 qui fonde notre métier – à accueillir l’ensemble des 20 000 juristes d’entreprise ». Il souhaite aussi mettre à profit son mandat pour prolonger l’action entreprise par Marc Mossé, son prédécesseur, afin que le juriste d’entreprise « quitte son bureau pour aller vers la cité ». En effet, les entreprises sont concernées par des sujets de fond : • en tant que justiciables, les entreprises ont besoin d’un service public de la justice efficace, en tant que cibles des "guerres hybrides", les entreprises et leurs juristes doivent développer leur capacité de résilience, • en tant qu’acteurs fondamentaux de la vie économique, les entreprises, conscientes qu’il ne peut y avoir de croissance durable sans croissance responsable, ont besoin de juristes aptes à intégrer les normes RSE, • En tant qu’utilisateur de technologie et de data, les entreprises ont besoin de développer les moyens de régulations internes et d’anticiper les évolutions de leur cadre réglementaire. Il compte bien évidemment obtenir la confidentialité des avis des juristes d’entreprise, dans la lignée de ses prédécesseurs. « C’est une question de souveraineté et de compétitivité, assure le nouveau président de l’AFJE. L’heure n’est plus aux atermoiements. La mise en place des programmes de conformité - voulue par le législateur - et l’instrumentalisation croissante des dispositions extra-territoriales qui visent à affaiblir notre économie, imposent de trouver une solution. La Cour de cassation, en reconnaissant cette année la confidentialité des avis des juristes d’entreprise à certaines conditions, confirme que le vide doit être comblé. C’est un signal fort. Je me félicite d’ailleurs que les éléments de réflexion ainsi que les préconisations du groupe de travail sur la justice économique et sociale issus des États Généraux du droit prennent la mesure de l’importance du sujet au regard même de l’intérêt général et de l’attractivité de la France. »

UNE AVENTURE COLLECTIVE ET HUMAINE 

Les chantiers sont nombreux ! Jean-Philippe Gille entend capitaliser sur toutes les forces vives de l’association pour avancer. « L’AFJE est une association où tous les talents peuvent s’exprimer pour peu que l’on soit motivé et sérieux, assure-t-il. Notre association n’est absolument pas une institution verrouillée. Chacun peut apporter sa pierre à l’édifice. L’AFJE est que ce que nous en faisons tous ensemble ! » 

 

Portrait chinois 

Si Jean-Philippe Gille était un sport, il serait l’escrime qu’il pratique depuis ses 11 ans. « C’est un sport exigeant physiquement qui me permet de canaliser mon énergie, apprécie-t-il. Il apprend l’humilité, le respect de soi et de l’autre et à prendre des décisions rapidement. » 

S’il était un livre juridique, il serait Droit des sociétés de Maurice Cozian, Florence Deboissy et Alain Viandier. « Je l’offre à mes jeunes collaborateurs juristes, confie JeanPhilippe Gille. Et il y a des sessions quizz à la pause-café ! » 

S’il était une langue, il serait probablement le grec ancien, compte tenu de son goût pour la Grèce antique. 

S’il était un héros de fiction, il serait un Mousquetaire ou, en tant que tenant de la génération X, un jedi. Avec l’âge, ce serait Athos ou Obiwan Kenobi. Il partage en tout cas avec d’Artagnan de nombreux points communs : fin lame, cavalier émérite, sens de l’honneur, engagement, courtoisie et esprit d’équipe. Mais, à défaut de pourfendre la canaille, il préfère pourfendre les idées reçues !

 

*Une pour tous, tous pour un


Publié le 16/09/2022


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