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Juriste d’entreprise en 2019 : 13 tendances réjouissantes, voire surprenantes.
La nouvelle enquête rémunération, menée par Squaremetric pour le compte de l’AFJE et du Cercle Montesquieu, vient d’être dévoilée. Elle témoigne des grandes évolutions des métiers du droit en entreprise, à commencer par la hausse globale des rémunérations. Mais surtout, elle confirme leur dynamisme et leur attractivité !
Le baromètre 2019 des rémunérations des directions juridiques et des juristes d'entreprise a livré ses enseignements qui s’avèrent... très positifs ! « Ce qui m’a frappé dans cette enquête, c’est la concordance des différentes données démontrant l’attractivité croissante des métiers juridiques en entreprise, témoigne Laëtitia Ménasé, directrice juridique chez Canal +. Elle met également en évidence que ces métiers constituent un vrai choix de carrière, assumé, avec des trajectoires balisées. J’ai été particulièrement étonnée et réconfortée par le niveau de satisfaction des juristes dans l’exercice de leur métier. » Forts de cette première analyse, passons en revue les principaux enseignements de cette grande enquête !
1 - Les juristes d’entreprise sont mieux dans leur poste !
La fonction juridique dans son ensemble affiche une grande satisfaction professionnelle. 90 % des directeurs juridiques manifestent un vif intérêt pour leur poste et 95 % valorisent leur autonomie et les responsabilités qui leursont confiées. Ce goût pour l’autonomie et la responsabilité est partagé par les responsables juridiques (92 %) et les juristes (84 %). Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu, confirme : « les équipes juridiques de nos entreprises sont tout à fait conscientes de leur position et leur vision holistique des problématiques leur permet souvent d’adresser une question sous tous ses angles. Il est fréquent que nos juristes soient choisis comme chef de projet des projets transverses ».
2 - Des salaires en hausse, des juristes globalement satisfaits
En 2019, le salaire médian est de 64 000 € (+5 000 € par rapport à 2015, soit un peu plus de 8 % d’augmentation). La moyenne de la rémunération des juristes en France est, quant à elle, de 78 512 € contre 67 791 € en 2015 (soit près de 16 % d’augmentation). À noter que les postes à responsabilités et de direction ont plus largement bénéficié de la croissance des salaires sur les quatre dernières années.
« Ce niveau d’augmentation semble être la conséquence logique de l’accroissement du périmètre d’intervention des directeurs juridiques, considère Pierre Leguy, responsable juridique et Data Protection Officer chez Adot. J’y vois aussi le reflet de la place de plus en plus stratégique de la fonction juridique et du droit dans l’entreprise. On peut néanmoins regretter la faible augmentation des salaires des juniors qui peut contribuer à impacter négativement l’attractivité du métier. »
Quoi qu’il en soit, 51 % des juristes se disent davantage satisfaits de leur rémunération actuelle qu’il y a quatre ans (+ 19 % !). En 2018-2019, l’augmentation médiane des juristes en France est comprise entre 2 et 3 %. Près d’un juriste sur cinq indique néanmoins ne pas avoir été augmenté sur les 12 derniers mois. Cette proportion de juristes sans augmentation tend à se réduire d’année en année : de 26 % en 2015, ils sont seulement 22 % en 2019.
La performance individuelle est le critère clé qui justifie l’augmentation de salaire pour un quart des juristes en France. Néanmoins, des disparités dans les processus d’évaluation existent, principalement selon la taille des entreprises. Dans les plus petites structures, le critère discrétionnaire est généralement celui qui prime.
En 2019, 82 % des juristes ont reçu une part variable (bonus, prime, 13e mois...). La médiane de la part variable est comprise entre 6 % et 10 % de la rémunération annuelle.
3 - Les écarts de salaire entre femmes et hommes persistent mais tendent à s’estomper pour les nouvelles générations
Selon cette nouvelle version du baromètre, les écarts de salaire entre les hommes et les femmes sont compris entre 10 et 14 %. La situation est stable depuis 2015 mais elle évolue : les nouvelles embauches révèlent une meilleure égalité salariale. La convergence des salaires profite enfin aux
jeunes générations : en 2019, pour un premier emploi de juriste avec une expérience de moins d’un an, le salaire moyen à l’embauche d’un juriste est de 36 360 € pour une femme et de 36 100 € pour un homme.
4- Le télétravail, une pratique encore peu répandue
Près d’un tiers des juristes d’entreprise pratiquent le télétravail contre un quart des directeurs juridiques. Toutefois, le nombre de jours télétravaillés reste modéré : un seul jour par semaine. En majorité, ce jour de travail à distance est le vendredi ou le mercredi. Les femmes recourent un peu plus au télétravail que les hommes (33 % vs 27 %). La possibilité du télétravail est plus développée dans les grandes entreprises : 38 % des juristes sont concernés si l’entreprise fait plus de 10 Mds€ de CA, contre 25 % dans les entreprises dont le CA est compris entre 1 et 10 M€. « Cette flexibilité permet plus facilement aux femmes de briguer des postes de de directrices juridiques » constate Laure Lavorel.
5 - Les juristes d’entreprise sont fidèles à leur entreprise
Entre 2015 et 2019, les juristes ont peu changé d’employeur. En 2019, ils sont 77 % à posséder plus de trois ans d’ancienneté dans leur entreprise (+ 4 points). Les parcours sont donc relativement stables sur ces dernières années. Plus de la moitié des directrices et directeurs juridiques (56 %) possèdent au moins huit ans d’ancienneté dans leur entreprise.
« Cette fidélité n’est pas la résultante d’un marché du travail en berne, tient à préciser Laëtitia Ménasé. Au contraire, le marché de l’emploi cadre est très tendu et profite notamment aux profils ayant une séniorité de trois à sept ans. » « La fidélité s’explique aussi par la nature même des missions des juristes, qui s’inscrivent dans la durée, estime Pierre Leguy. Les dossiers sont parfois longs à mener et à voir aboutir. Les mouvements ou le rythme d’évolution sont donc potentiellement plus longs que dans d’autres fonctions. »
6 - Une majorité de juristes n’envisagent pas d’évolution professionnelle dans l’année à venir
Le baromètre de 2015 soulignait la forte motivation des juristes quant à l’amélioration de leur niveau de rémunération. C’est dans ce contexte que 47 % des juristes dans leur ensemble envisageaient une évolution professionnelle dans l’année à venir. En 2019, ils ne sont plus que 43 %. Ils ne se projettent pas plus dans la mobilité interne en France ou à l’étranger (14 % en 2019, en baisse de 4 points par rapport à 2015). Cependant, le désir de changer d’employeur continue de les titiller (en très légère hausse par rapport à 2015).
Quant aux directeurs juridiques, seulement 31 % d’entre eux expriment le projet d’un changement professionnel pour 2019-2020, et de préférence pour un employeur en France (26,5 %). Les directions juridiques de petites structures forment davantage le projet de changer d’employeur que dans les grandes entreprises.
7- Le métier de juriste d’entreprise séduit de plus en plus d’avocats
Commencer sa carrière en cabinet d’avocats avant de rejoindre l’entreprise est un phénomène en progression. Les avocats représentaient 19 % desjuristes d’entreprise en 2015 ; ils sont près d’un quart en 2019. 31 % des directeurs juridiques déclarent être titulaires du CAPA.
Le certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) est de plus en plus fréquemment cité dans la liste des diplômes obtenus par les juristes d’entreprise (+ 5 points en quatre ans). À noter que seule une minorité de juristes d’entreprise (5 %) possèdent le CAPA sans jamais avoir exercé la profession d’avocat. En général, lesjuristes choisissent d’accumuler quelques années d’expérience et de pratique en tant qu’avocat avant de se tourner vers l’entreprise. La plupart des "juristes-avocats" choisissent de quitter la profession d’avocat après trois à huit ans d’expérience. « C’est à cet âge-là que l’on commence à se poser des questions et potentiellement faire des arbitrages professionnels au regard de sa vie personnelle, surtout pour les femmes, estime Laëtitia Ménasé. Quitter la robe pour devenir salarié d’une entreprise, c’est faire le choix d’une carrière passionnante et d’une vie plus stable. On assiste à une perméabilité plus importante entre ces deux manières d’exercer, dans un sens comme dans l’autre. Ces passerelles ne peuvent être que bénéfiques car elles représentent un enrichissement professionnel certain. »
L’étude souligne par ailleurs qu’au-delà de 15 ans d’expérience de barreau, les avocats quittent rarement la robe. « C’est assez logique, reconnaît Laëtitia Ménasé. À ce niveau d’expérience, l’avocat est souvent devenu associé de son cabinet et sa voie est alors toute tracée. »
Les avocats rejoignent l’entreprise au milieu de leur carrière : en 2019, 1/3 des juristes âgés de 30 à 44 ans sont titulaires du CAPA. Phénomène générationnel, les juristes de plus de 45 ans sont moins nombreux à posséder la capacité à la profession d’avocat : un quart d’entre eux seulement déclarent être titulaires de cette capacité d’avocat. Quant aux juristes les plus jeunes (moins de 34 ans), ils représentent des professionnels qui font le choix d’entrer directement dans l’entreprises après leurs diplômes de droit, sans diplôme d’avocat. Le métier de juriste d’entreprise est alors perçu comme une vocation pour les plus jeunes et une véritable évolution de carrières pour les plus expérimentés.
Laure Lavorel constate : «ces chiffres témoignent de la grande proximité entre deux différents modes d’exercice d’une même profession : avocat externe et juriste interne exercent le même rôle de conseil au bénéfice d’un client unique : l’entreprise.
8 - 40 ans, nouvel âge médian de la profession
En 2019, l’âge médian des juristes en entreprise est de 40 ans. En comparaison, il était de 39 ans en 2015 et seulement de 36 ans en 2008 ! Des disparités importantes de population entre plus jeunes et plus expérimentés apparaissaient dans les premières études. Ces disparités sont en train de s’estomper : la profession s’homogénéise par tranche d’âge. En 2019, les jeunes juristes ne sont plus surreprésentés comme en 2008, ce qui indique que les juristes juniors inscrivent davantage leur carrière dans la durée avec des perspectives de progression régulière dans le temps. Par ailleurs, les juristes constatent que leur profession se pérennise et se renouvelle mieux en fonction des besoins continus des entreprises.
9 - Le juriste masculin, un profil qui se raréfie !
En 2019, deux tiers des juristes d’entreprise sont des femmes ! La proportion de femmes dans la profession de juriste d’entreprise a fortement progressé en 10 ans, passant de 56 à 68 % (+ 12 points). La féminisation de la profession est une tendance de fond qui ne faiblit pas. En 2019, les juristes de moins de 30 ans sont très majoritairement des femmes (plus de 81 %, + 10 points en 10 ans). Quelle que soit la tranche d’âge, y compris celle des juristes de plus de 55 ans, les hommes demeurent minoritaires.
« La féminisation croissante de la fonction juridique en entreprise mais aussi en cabinet d’avocats me frappe mais ne me surprend pas, indique Laëtitia Ménasé. Cette disproportion se constate dès les bancs de la faculté de droit ! Il serait vraiment intéressant de creuser le sujet pour comprendre les raisons de la désaffection masculine pour les études et les métiers du droit. » Pierre Leguy partage le constat et l’analyse, et regrette le manque de diversité, voire de parité. « Une équipe se nourrit de sa diversité qui, par la confrontation des visions et des idées, est source de créativité et de performance. Il est donc important pour les directions juridiques d’avoir un minimum de parité. »
10 - La tendance est à la spécialisation même si une majorité des juristes d’entreprise restent généralistes
64 % des juristes indiquent occuper une fonction généraliste au sein de leur organisation. Entre 2015 et 2019, la population des experts dans un domaine du droit a légèrement augmenté (+ 3 points en quatre ans), ce quisuggère une tendance à la spécialisation de la fonction de juriste en entreprise. Près d’un juriste-cadre sur deux s’identifie comme un spécialiste. Les directrices et les directeursjuridiques, quant à eux, sont polyvalents et 85 % déclarent gérer des dossiers généralistes. Ils sont seulement 15 % à être spécialisés dans un domaine spécifique.
11 - Management des équipes juridiques : mention peut mieux faire
Les dirigeants des départementsjuridiques estiment à 75 % que les équipessont bien managées. Cette impression n’est pourtant pas partagée par tous ! 54 % des responsables juridiques pensent que c’est le cas, et les juristes sont seulement 37 % à approuver. « La dimension managériale est encore trop absente des formations initiales, déplore Pierre Leguy. Par ailleurs, l’accompagnement des entreprises en la matière est souvent insuffisant, voire inexistant, par rapport au besoin. Or, le management s’apprend, et pas uniquement sur le tas ! À ce propos, j’invite tous les juristes à consulter régulièrement l’agenda de l’AFJE, et notamment les Ateliers Carrières qui traitent de management et stratégie de carrières. La formation continue est fondamentale, que l’on soit manager ou pas ! Il ne faut pas non plus hésiter à se rapprocher de ses pairs pour échanger des bonnes pratiques. L’AFJE est clairement un atout dont tout juriste doit se saisir pour progresser ! » Laure Lavorel, présidente du Cercle Montesquieu précise : « En complément de ces formations conçues par l’AFJE, le Cercle Montesquieu pilote avec Sciences Po Executive Education, l’Executive Master General Counsel – Strategy and Leadership for Senior Lawyers », cette formation qui s’adresse aux jeunes directeurs juridiques, aux responsables juridiques et aux juristes expérimentés, a pour objectif de développer leurs compétences managériales et leur vision stratégique de l’entreprise. »
12 - Les juristes d’entreprise étudient plus longtemps
La formation universitaire des juristes a atteint un nouveau seuil de maturité, puisqu’en 2019, 94% des profils sont diplômés de Master 2 ou équivalent (Master 2 et/ou DJCE). Ils étaient 90% en 2015 (+4 points entre les deux études).
Les juristes de moins de 30 ans sont toujours plus nombreux à être titulaires d’un niveau M2 (76 % en 2019 contre 74 % en 2015). Mais peu d’entre eux sont diplômés d’un établissement à l’étranger : 4 % des jeunes juristes de moins de 30 ans ont un diplôme obtenu hors de France (LLM, LLB, PhD...), c’est- à-dire 4 points en dessous de la moyenne. Pourtant, ce détour à l’étranger représente un atout puisque les directrices et les directeurs juridiques sont 10 % (+ 2 points au-dessus de la moyenne) à déclarer être titulaires d’un diplôme obtenu à l’international.
La thèse en droit (PhD) constitue encore un cursus marginal qui concerne seulement 1 % des juristes d’entreprise, sans évolution notable depuis 2015.
13 - Les doubles formations sont courantes chez les juristes d’entreprise
La moitié desjuristes en poste ont combiné des diplômes de droit avec une autre formation, en général de niveau M2, voire davantage. Les parcours sont variés avec, par exemple, des diplômes obtenus en école de commerce (8 % desjuristes) ou à l’université (M1 ou M2 en langues, en histoire, en sociologie, en criminologie, etc., pour 37 % de juristes).