Paris juridiction internationale ?

Des chambres spécialisées dans le traitement du contentieux international des affaires sont désormais opérationnelles à Paris. Présentation.
PAR ELIE KLEIMAN


Pourquoi une juridiction internationale à Paris ?
Le Brexit, tout simplement.
La primauté de Londres qui attirait naguère plus de 500 litiges entre parties étrangères – un marché de plus de 25 milliards de livres sterling – est remise en cause.
Londres sans l’UE ne bénéficiera plus de la reconnaissance mutuelle, ni de l’exécution simplifiée de ses jugements. La nécessité d’une procédure d’exequatur, plus incertaine, longue et coûteuse, n’est pas attractive. Déjà, les opérateurs internationaux hésitent à désigner Londres dans les clauses attributives de compétence qu’ils négocient. D’autant que le droit anglais ne s’impose pas pour régir le fond des litiges : le droit continental aussi gagne au Brexit et apporte autant de prévisibilité et de sécurité à la résolution des litiges contractuels.
Une juridiction internationale française à double degré de juridiction permettra aux parties étrangères de plaider en France et de bénéficier tout à la fois d’une justice offrant les garanties de fond et de forme propres à l’état de droit, de coûts et de délais compétitifs et de décisions exécutables dans toute l’Union européenne et au-delà.


En quoi ces chambres internationales se distinguent-elles ?
Au tribunal de commerce de Paris, la chambre internationale est composée de dix juges, tous anglophones et rompus aux usages du commerce international.
La chambre internationale de la Cour d’appel de Paris (Cicap) est devenue réalité : la première présidente Chantal Arens a désigné le 4 avril dernier la chambre "5-16" où siègent des magistrats expérimentés qui maîtrisent la vie des affaires, le droit comparé et la langue anglaise.
L’anglais se pratique devant les chambres internationales. Dans le respect de l’accord des parties, on se dispense de traductions des pièces, rapports d’expertises et attestations dont les originaux sont en anglais, on débat en anglais (le cas échéant avec interprétariat simultané) et les décisions sont bilingues. Le français, néanmoins, fera foi pour les actes de la procédure et les décisions, comme le veut l’ordonnance de Villers-Cotterêt.
La procédure sera dynamisée pour davantage d’oralité et de contradictoire. Cette modernisation procédurale tire parti des possibilités du code de procédure civile, jusqu’ici sous-exploitées. Dans l’intérêt de l’instruction des faits complexes, on renforce l’accès aux preuves et aménage le déroulement de l’audience pour entendre parties, témoins et d’experts dans un cadre collaboratif renforcé, dont les protocoles conclus le 14 avril dernier entre les juridictions concernées et l’Ordre des avocats de Paris sont le socle.
La célérité du procès et la prévisibilité de ses étapes seront assurées par une pratique de mise en état conventionnelle favorisant les calendriers de procédure. Enfin, une réflexion est engagée sur la motivation des décisions dans un souci de pédagogie et de lisibilité accrue.


À qui s’adressent ces chambres internationales ?
Tous les opérateurs du commerce qui choisiront Paris par une clause attributive de compétence sont concernés. Les affaires manifestement internationales seront dirigées par priorité devant les chambres internationales. Nombre d’opérateurs étrangers pourront rechercher la justice française pour sa tradition d’indépendance, de qualité et de neutralité à l’égard de l’application de droits étrangers – y compris de common law. Il faut mettre en avant l’assurance d’un double degré de juridiction, d’audiences et de décisions publiques et d’une approche équilibrée entre tradition contradictoire et office du juge, ainsi qu’un coût très raisonnable. Les chambres internationales pourraient ainsi s’inventer un bel avenir auprès d’opérateurs issus de régions de tradition civiliste (Afrique, Amérique latine, Asie, Moyen-Orient) et non nécessairement francophones.
Promouvoir l’attractivité française passe aussi par la promotion des chambres internationales.

 

À propos de Elie Kleiman
Elie Kleiman, avocat associé chez Jones Day, est expert au Club des Juristes, président de Paris Place 
d’Arbitrage et membre de Paris Place de Droit.

 


Publié le 01/11/2018


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