Le reporting sur les droits de l’Homme, outil de pilotage des risques

Les entreprises évaluent régulièrement les risques financiers, techniques, juridiques, compétitifs ou auxquels elles peuvent faire face et qui peuvent avoir un impact significatif sur leur situation. En revanche, les risques que leurs activités peuvent causer aux droits de l’Homme sont plus rarement analysés. Or, ces deux notions convergent car, au fond, les impacts causés aux tiers par une entreprise peuvent aussi lui faire courir un risque juridique, financier, opérationnel ou réputationnel. Ce changement de perspective permet de compléter les cartographies des risques habituellement réalisées. Le nouveau Cadre de reporting conforme aux principes directeurs des Nations Unies relatif aux entreprises et aux droits de l’Homme (UN Guiding principles reporting framework) est un outil qui permet d’aider les entreprises à opérer ce changement de perspective et à piloter leur démarche de progrès.

Par Julie Vallat

Les "risques saillants" sont définis dans le UN Guiding principles reporting framework comme étant les risques générés par les activités de l’entreprise sur les droits de l’Homme des tiers qui, s’ils se réalisent, ont les incidences les plus graves, endémiques et pour lesquels il est difficile ou impossible de remettre la situation dans l’état initial.
En vertu du référentiel précité, et en toute logique, ces risques saillants doivent être identifiés et traités de manière prioritaire par les entreprises. Ainsi les risques liés aux activités de l’entreprise qui pourraient avoir un impact sur la vie ou la santé des employés ou des riverains, seront bien entendu gérés en priorité par celle-ci.

IDENTIFICATIONS DES RISQUES SAILLANTS
Total est le premier groupe pétrolier à avoir publié en juillet 2016 un rapport dédié aux droits de l’Homme, sur la base de ce référentiel.À cet effet, des experts internes et externes issus de divers métiers (ressources humaines, achats, sécurité, environnement, sociétal…) et pays ont été consultés par le département juridique droits de l’Homme de Total pendant plusieurs mois pour identifier les risques saillants du groupe dans leurs domaines de compétences respectifs. Total compte en effet 100 000 salariés et plusieurs milliers de fournisseurs, et opère dans 130 pays dont des environnements complexes.
Cet exercice a permis au groupe d’identifier six risques saillants relatifs aux droits de l’Homme répartis en trois grandes catégories et d’expliquer la façon dont ces risques sont gérés :
- le respect des conditions de travail y compris pour les employés de ses fournisseurs et partenaires (travail forcé, discriminations, conditions justes et favorables de travail) ;
- la sureté (risque d’usage abusif de la force par les gardiens qui sécurisent les personnels et installations du groupe),
- les relations avec les communautés locales (accès à la terre, santé et niveau de vie des riverains).
La publication de ces risques et des mécanismes en place ou en cours de déploiement pour y faire face a permis au groupe de s’inscrire dans une démarche de progrès dans ces domaines validée par la direction générale et présentée au conseil d’administration du groupe. Une feuille de route stratégique sur les droits de l’Homme a, de plus, été validée par le comité exécutif pour les années 2017 et 2018 et le rapport droits de l’Homme sera actualisé en 2018. De même, la publication par le groupe de déclarations conformes à la loi anglaise en vigueur, dite du modern slavery act, a favorisé les synergies entre différentes fonctions internes au niveau local (juridique, achats, ressources humaines…) afin de mieux identifier les risques de travail forcé dans la chaîne de valeur pour certains projets ou catégories d’achat et de protéger les tiers ainsi que la réputation de l’entreprise.
Le groupe est actuellement en train de rédiger, dans le cadre de la loi française, son plan de vigilance sur ces sujets qui sera publié en 2018. Le travail effectué pour la rédaction de ce rapport droits de l’Homme apporte des éléments utiles à l’élaboration de la partie droits de l’Homme du plan.
En conclusion, la publication de nos risques saillants précités a été saluée par de nombreuses parties prenantes du groupe, dont des ONG, des universitaires et des investisseurs gérant plus de 4,8 trillions de dollars réunis notamment au sein de l’initiative "Corporate Human Rights Benchmark, CHRB" pour noter la "performance droits de l’Homme" d’une centaine de multinationales issues de différents secteurs. Total a ainsi été classé au premier rang du secteur pétrolier par cette organisation.


DES DIRECTIVES SIMPLES POUR FACILITER LE REPORTING DES ENTREPRISES EN MATIÈRE DE DROITS HUMAINS
Le cadre de reporting a été mis au point par la Human rights reporting and assurance frameworks Initiative (RAFI). 
Cette initiative RAFI a été codéveloppée par Shift et Mazars grâce à un processus consultatif ouvert et 
international faisant appel à des représentants de plus de 200 entreprises, groupes d’investisseurs, membres de
la société civile, gouvernements, auditeurs externes, juristes et autres organisations professionnelles à travers 
le monde. Ce cadre de reporting est basé sur les principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et 
aux droits de l’Homme. Il propose des lignes directrices aux entreprises sur la manière de rendre compte 
des informations relatives à leurs politiques, processus et performances en matière de droits de l'Homme. 
Il peut également être utilisé comme outil de pilotage pour la mise en œuvre du processus de diligence raisonnable, 
dans une demarche de progrès continu.
Outre Total, d’autres entreprises telles qu’Unilever, ABN AMRO, H&M, Nestlé, Coca-Cola, Marks & Spencer, 
Microsoft ou encore Newmont ont publié de tels rapports.

 

A propos de Julie Vallat
Dès 2000, Julie Vallat a travaillé en tant que juriste auprès de diverses ONG et du ministère de la Justice. 
Elle a également exercé en qualité d’avocate au sein du département contentieux du cabinet Jean Veil, 
en droit pénal international.
En 2009, elle a rejoint la direction "Conformité et responsabilité sociétale" du groupe Total, 
en qualité de juriste droits de l’Homme. Elle dirige depuis 2013 le service juridique "Éthique et droits de l’Homme" 
chargé de veiller au respect des engagements internationaux du groupe, en particulier dans des régions ou projets 
complexes. Ce service juridique a été rattaché en 2016 à la nouvelle entité "Engagement avec la société civile" 
du groupe.


Publié le 18/04/2018


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