La Lettre Des Juristes D'affaires
Mardi 24 novembre 2015, la LJA a organisé son deuxième “Carré live » autour de la satisfaction client. Un petit-déjeuner débat qui a permis de mettre en avant l’intérêt des enquêtes de satisfaction et le long chemin que les cabinets d’avocats ont à parcourir pour avoir une bonne connaissance de leurs clients.
C’est sur le thème de la satisfaction client que Marie-Aimée de Dampierre, managing partner du cabinet Hogan Lovells, Ian Kayanakis, directeur juridique régional France Iberia et IMEA d’Atos et administrateur de l’AFJE, Béatrice Bihr, directrice juridique de Teva Santé et vice-présidente du Cercle Montesquieu, et Jérôme Rusak, associé du cabinet de conseil en organisation Day One, ont apporté leur expérience et leurs témoignages lors du deuxième Carré Live de la LJA, qui s’est déroulé le 24 novembre dernier dans les salons du Fouquet’s, en partenariat avec Hogan Lovells.
Pourquoi mesurer la satisfaction client ? « Parce que cela coûte cinq fois moins cher de fidéliser un client que d’en conquérir un nouveau, et qu’un client insatisfait va en parler à 5 ou 10 personnes en moyenne, a répondu le consultant Jérôme Rusak, à la première question d’introduction du débat. L’étude de satisfaction est un véritable outil de business development.
Il faut mettre fin à la légende urbaine qui veut qu’un client qui continue à travailler avec le cabinet est un client satisfait… jusqu’au jour où il s’en va. Et s’il ne faut pas avoir peur d’une insatisfaction, il faut avoir peur d’une insatisfaction qui n’est pas traitée. (…) Mais il y a une forte réticence à ce type de démarche dans les cabinets d’avocats. »
Une pratique encore balbutiante
. De fait, la pratique peine visiblement à s’ancrer sur le secteur des services juridiques. « Je n’ai jamais été interrogée par mes avocats bien que j’aie une palette de conseils assez large, a témoigné Béatrice Bihr, chez Teva Santé.
Nous avons des échanges informels mais ça ne va pas très loin. Je trouve cela assez dommage parce que c’est important pour un cabinet de connaître ses forces et ses faiblesses, ainsi que les attentes et les contraintes de ses clients. (…) Et je trouve dommage que les associés ne s’attachent pas davantage à suivre l’évolution de leurs collaborateurs via les retours des clients. Chez Atos, Ian Kayanakis, qui a fait état de « 15 millions d’euros dépensés en honoraires en 20 ans de métier, mais seulement deux enquêtes de satisfaction », a estimé que « le cabinet d’avocats qui sera capable de jouer la totale transparence se démarquera véritablement des autres ».
Pour cela, il faut distinguer « les enquêtes qui sont des outils de com’ pour le cabinet de celles qui visent véritablement à résoudre les problèmes des clients ».
De l’initiative aux actions concrètes
Certains ont toutefois commencé à investir le terrain. « Nous avons mis en place un programme d’écoute du client, a ainsi expliqué Marie-Aimée de Dampierre, managing partner d’Hogan Lovells. Nous n’avons pas peur de cette démarche, qui nous permet d’identifier les points positifs et les points négatifs.
Cela ne concerne que nos plus gros clients pour le moment car c’est un processus qui prend du temps à déployer, mais il est destiné à s’adresser à un nombre plus grand d’entre eux. » Le suivi peut être confié « à l’associé en charge de la relation avec le client ou aménagé autrement selon la volonté du client ». « L’équipe business development a été formée pour interroger les clients, auxquels nous faisons systématiquement un retour », a précisé Marie-Aimée de Dampierre. Dans tous les cas, la confidentialité des échanges reste centrale pour que les clients puissent s’exprimer librement, quel que soit leur interlocuteur (avocat, membre de l’équipe de business development ou prestataire extérieur).
Est-ce que les enseignements tirés des enquêtes de satisfaction donnent lieu à des actions concrètes par la suite ? « Cela dépend de l’investissement de l’équipe dirigeante du cabinet, a répondu Jérôme Rusak. C’est pourquoi il faut impliquer tous les associés en amont et, ensuite, désigner un chef de projet en charge du suivi de la mise en œuvre. Car mener une enquête de satisfaction et ne pas en tirer les conséquences ensuite est très déceptif pour les clients. »
Une démarche qui a pris ses marques en entreprise En entreprise, les juristes sont aujourd’hui de plus en plus nombreux à interroger leurs clients internes. « C’est dans l’ADN des entreprises de services, a expliqué Ian Kayanakis. Chez Technip, nous réalisions une étude de satisfaction annuelle. Chez Atos, nous le faisons deux fois par an, par le biais d’un formulaire de 40 questions envoyées à l’ensemble de nos clients internes, soit plus de 300 personnes. C’est un exercice d’autocritique assez puissant – les clients internes sont sans pitié… – qui sert à mettre en place des actions rapides et efficaces pour résoudre les difficultés identifiées par l’enquête. » Chez Teva Santé, « nous ne le faisons pas – nous n’y sommes pas obligés – mais nous nous interrogeons, a témoigné Béatrice Bihr. Nous avons envie de le faire mais cela nous fait un peu peur aussi… » Peur du jugement des clients internes, de la réaction de l’équipe à cette mise à l’épreuve, de ne pas être en mesure de répondre aux attentes exprimées avec des solutions concrètes… « Dès lors qu’on le fait, on est liés par les résultats. », a reconnu Béatrice Bihr. D’autant que les principales faiblesses des directeurs juridiques remontées par les clients internes sont, selon Jérôme Rusak, les mêmes que celles adressées par ces derniers à leurs avocats : « manque de réactivité et délais de réponse très longs pour une demande, langage parfois trop technique et réponses pas assez business decision making oriented et manque de priorisation des dossiers : urgent versus important / stratégique ».
Miren Lartigue
Site web de la LJA : http://www.lja.fr/2015/11/directions-juridiques-quattendez-vous-de-vos-avocats