La direction juridique de Pierre Fabre, un concentré d’expertises

Par Carine Guicheteau  

La direction juridique du groupe Pierre Fabre se distingue par sa capacité à conjuguer proximité avec ses clients internes et forte activité à l’international. Sous l’impulsion de Patricia Gendelman, sa directrice juridique, elle s’affirme comme un partenaire stratégique au sein d’un groupe évoluant dans un environnement fortement réglementé.

 

Au sein de l’AFJE, Patricia Gendelman est connue pour son engagement sans faille en région Midi-Pyrénées dont elle est la déléguée régionale. Elle est, depuis le 10 avril dernier, administratrice de l’AFJE mais elle est avant tout directrice juridique du groupe Pierre Fabre depuis 2020. Elle a pris son poste dans le cadre d’une restructuration de la fonction juridique. Le groupe avait précédemment trois directions juridiques : une pour la holding, une pour la branche pharmaceutique et une autre pour la branche cosmétique (dont Patricia Gendelman avait la responsabilité). «  La direction générale souhaitait une fonction juridique unifiée, relate Patricia Gendelman, et structurée selon un double objectif  : être proche de l’organisation du groupe et du business. » 

 

La proximité business ? Un ingrédient essentiel 

Le groupe Pierre Fabre est historiquement ancré en région Occitanie. Son siège ainsi que sa direction juridique sont situés à Castres, dans un nouvel immeuble à énergie positive inauguré en mai. Mais, dans la logique de proximité avec le business, l’une des équipes est à Toulouse pour être au plus près de la R&D, une autre à Lavaur dans le Tarn avec les équipes marketing monde, un directeur juridique aux États-Unis et deux juristes sont en Chine. « L'activité courante des filiales est prise en charge localement par des avocats, ou par les juristes des filiales lorsqu'ils sont présents, précise Patricia Gendelman. Les dossiers significatifs sont pilotés par la direction juridique groupe avec le support d'un avocat local. » 

 

La direction juridique du groupe Pierre Fabre compte une direction des brevets, composée d’ingénieurs brevets, et trois départements juridiques. Le premier, dédié à la gouvernance, englobe les activités liées au droit des sociétés, au contentieux, au droit des marques et l'activité de la holding. Le département juridique international et commercial couvre toute l'activité commerciale France et monde, des conditions commerciales jusqu'aux licences et exportations des produits. Il héberge de plus une structure dédiée au business développement, c’est-à-dire au M&A et partenariats. Le troisième département, baptisé business partners, complète la structuration de la direction juridique  : «  assez hétérogène, il couvre la R&D mais aussi les opérations, c'est-à-dire toute la chaîne de la fabrication à la distribution sans oublier les achats groupe et l’informatique », détaille Patricia Gendelman qui manage ainsi 45 collaborateurs (25 juristes, un legal operations officer, sept ingénieurs et sept paralegals). 

 

La fonction Legal Ops, l’anti-âge de la direction juridique 

« Créée en 2020 de manière concomitante à la réorganisation de la direction juridique, la fonction Legal Ops est devenue essentielle à notre direction, assure-t-elle. Sa première mission fut, logiquement, d'harmoniser les pratiques et processus issus des trois anciennes directions juridiques. » 

 

Autre chantier d’importance mené par la Legal Ops : la digitalisation. Si la direction juridique est dotée d’une bibliothèque digitalisée pour suivre la vie des 4 000 contrats du groupe, une étape majeure a été franchie avec l’intranet de la direction juridique. Ce dernier, dénommé Mylegal met à disposition des autres fonctions de l’entreprise des modèles de contrats standards, des consultations d’avocats, des informations clés sur le droit des sociétés et sur nos sociétés, des supports de formation et de sensibilisation. «  Nous valorisons ainsi le travail des équipes juridiques mais surtout nous créons une passerelle vers le business et les opérationnels, apprécie la directrice juridique. Le digital représente une source quotidienne d’agilité et d’efficacité. » 

 

Le défi actuel de la Legal Ops ? « L’intelligence artificielle (IA) dont je pense, comme beaucoup de mes confrères et consœurs, que les effets sur nos pratiques vont être importants, partage Patricia Gendelman. Pour ne pas subir, nous conduisons depuis plus de six mois deux chantiers. L'un d'eux est centré sur l'IA comme outil pour la direction juridique, et l’autre sur les bonnes pratiques juridiques liées à l'utilisation de l’IA dans le groupe. Actuellement, nous œuvrons pour créer un clausier en nous aidant de l’IA pour tendre vers la génération automatique de contrats. Nous étudions le marché mais le prérequis, dans lequel nous nous investissons beaucoup, est l’uniformisation de nos contrats et des documents juridiques. » 

 

Un périmètre façonné par des activités très normées 

À l'exception du droit social, fiscal et immobilier, la direction juridique intervient sur toute l'activité du groupe. La vraie spécificité dans l’exercice des missions de la direction juridique tient aux deux activités du groupe : « la pharmacie et la cosmétique sont deux secteurs très réglementés et distincts l’un de l’autre, précise la directrice juridique. La pharmacie se caractérise par l’intervention très forte de l'État. Qu'il s'agisse des autorisations de mise sur le marché, des remboursements des médicaments ou des interactions avec les professionnels de santé, le secteur pharmaceutique est soumis à un cadre réglementaire strict. Ces dossiers, qui peuvent nous entraîner sur des contentieux au Conseil d’État, requièrent une implication considérable des juristes. De même, l'activité cosmétique est très réglementée : nous sommes notamment confrontés à des problématiques d'inspections et de droit de la concurrence. Nous devons être très vigilants sur les allégations, c'est-à-dire ce que nous avons le droit de dire sur les produits. Les juristes jouent un rôle clé dans l’évaluation des risques de contentieux avec des concurrents ou de sanctions émanant des autorités de tutelle. Les mêmes juristes interviennent tant sur les problématiques pharmaceutiques que cosmétiques : outre la polyvalence, pragmatisme et adaptabilité sont nécessaires afin de ne pas ajouter plus de contraintes qu'il n'en faut au regard de la problématique donnée. » 

 

La dimension RH, un principe actif 

Avec un positionnement business totalement assumé, il n’est pas surprenant que la fonction juridique jouisse d’une très bonne image au sein du groupe, « comme en atteste un récent sondage mené auprès de nos clients internes, se réjouit Patricia Gendelman. L’effort continu de proximité, de sensibilisation et de pédagogie fourni auprès des équipes business, qui se renouvellent régulièrement, porte ses fruits. » Cette démarche contribue au développement des compétences des collaborateurs, « une préoccupation à laquelle nous répondons en diversifiant les problématiques sur lesquelles ils interviennent, ce qui s’avère assez aisé grâce à l’envergure du groupe et à son environnement réglementaire et business. Nous incitons aussi à la mobilité interne, et favorisons les sujets transverses, tels que l'IA, la communication ou la digitalisation, qui contribuent à leur évolution et à notre positionnement pro-business. » 

 

La directrice juridique poursuit : « Chacune de mes journées diffère de la précédente. Toutefois, avec le management de 45 personnes aux profils très différents, la dimension RH est toujours présente. D'autant plus que la direction juridique est située à Castres, à 75 km de Toulouse, soit à 1 h 20 en voiture en l'absence d'autoroute. Le recrutement est bien plus aisé à Toulouse. Même si nous faisons preuve de flexibilité quant à la présence sur site, attirer à Castres demeure difficile car cela induit souvent un déménagement familial. Notre partenariat avec l'université de Toulouse Capitole nous permet d'avoir un accès à des stagiaires, des alternants et des jeunes juristes de qualité. Cette année, nous accueillons une juriste brésilienne et un juriste qui vient de Paris, preuves que faire venir à nous des profils aguerris n’est pas impossible ! » 

 

Bientôt une nouvelle formule 

Patricia Gendelman a annoncé son départ à la retraite… en 2026. Sa feuille de route pour l'année 2025 ? « Sécuriser et valoriser tout ce qui a été fait par les équipes ces dernières années, répond-elle. Avec une attention toute particulière sur les chantiers en cours de la direction juridique afin de m’assurer qu’ils avancent au bon rythme. » 

 

Sans oublier la poursuite de son engagement au service de l’AFJE et des juristes de Midi-Pyrénées : « dans mon agenda, je trouve du temps pour faire vivre la relation avec l’université Toulouse Capitole, puisque je siège à son conseil d’administration. Enfin, j’ai à cœur d’animer la communauté de juristes d’entreprise de ma région, aidée par le bureau local, afin qu’ils aient la possibilité d’échanger, de s’informer et de se former. Adhérer à l’AFJE permet de créer du lien, d’accéder à ces ressources pertinentes et de partager nos bonnes pratiques. Ces bénéfices prennent tout leur sens pour les juristes en région souvent moins exposés aux opportunités disponibles à Paris. » 

 


Publié le 25/06/2025