Détective privé

Pendant longtemps, la profession de détective privé a souffert d’une mauvaise image. Mais, depuis les années 2000, elle s’est grandement professionnalisée, moralisée et intervient de plus en plus dans les affaires industrielles et commerciales. En effet, les entreprises et leurs avocats s’adressent à ces enquêteurs privés afin d’étayer leurs dossiers de preuves.
Par Carine Guicheteau

Le détective privé, ou agent de recherches privées, encore appelé enquêteur de droit privé, a bien évolué depuis Eugène-François Vidocq, fondateur de la première agence de l'histoire en 1833 ! Aujourd’hui, la profession est strictement encadrée par le Livre VI du Code de la sécurité intérieure (CSI), contrôlée par le Cnaps (Conseil national des activités privées de sécurité, qui dépend du ministère de l’Intérieur) et soumise au respect d’un code de déontologie (secret professionnel…).

SES CHAMPS D’INTERVENTION
L’activité d’un détective privé est une profession libérale qui consiste "à recueillir, même sans faire état de sa qualité, ni révéler l'objet de sa mission, des informations ou renseignements destinés à des tiers, en vue de la défense de leurs intérêts" (article L621-1du CSI). Les entreprises peuvent faire appel à ses services pour des affaires de concurrence déloyale, en lien avec leurs droits de propriété intellectuelle, comme la contrefaçon, ou encore en matière de droit social (violation d’une clause de non-concurrence, vols internes, arrêt de travail abusif…).
Certains détectives proposent également des enquêtes dans le domaine de la recherche de personne disparues y compris des débiteurs indélicats, ou de la cybercriminalité : fraudes, vols de fichiers, piratage, destruction de données… À noter que le Snarp (Syndicat national des agents de recherches privées) a collaboré avec l'Afnor, en 2015, pour la rédaction d'un guide officiel pour prévenir et gérer une fuite de données, dont une suite sur la protection contre la cybercriminalité sera publiée cette année.
« Recourir à un détective privé est un investissement en vue de défendre ses intérêts, résume Jean-Emmanuel Derny, détective privé, président du Snarp et co-auteur du livre Les détectives privés pour les Nuls. Face à une escroquerie, l’entreprise peut avoir besoin de preuves avant de lancer une procédure judiciaire ou pour étayer son dossier. C’est aussi un bon moyen de se préparer à une négociation difficile. Par exemple, un employeur peut chercher à confirmer ses soupçons et se servir du rapport détaillé du détective privé pour négocier un départ avec un salarié. »
Par ailleurs, les rapports réalisés par les enquêteurs privés sont parfaitement recevables par un juge, sous réserve, tout du moins en matière civile, que les informations consignées aient été obtenues de façon licite, loyale, et proportionnée par rapport au but poursuivi. Car, pour toute enquête et filature, il y a des précautions à prendre. Par exemple, les écoutes téléphoniques sont totalement prohibées. Un bon enquêteur maîtrise les aspects légaux, sait ce qu'il peut faire ou non. C'est pourquoi, depuis le 1er  janvier 2018, les détectives privés sont obligés de justifier de 35 heures de formation du maintien des acquis de compétences (MAC) pour pouvoir renouveler leur carte professionnelle. « Ces formations sont indispensables car elles permettent de rester au fait de l'évolution constante du droit, notamment en matière de droit du travail ou de droit au respect de la vie privée », reconnaît Jean-Emmanuel Derny.
Code de déontologie, cadre juridique des techniques d’investigation, l’administration de la preuve en droit social, étude de la définition de la mission dévolue, du cadre juridique, des jurisprudences utiles à la profession… Autant de thématiques abordées dans ces formations.

JURISTE, HUISSIER ET DÉTECTIVE PRIVÉ : LE TRIO GAGNANT
Le détective est le seul professionnel habilité à réellement mener une enquête. « On dit souvent que le trio gagnant est constitué du juriste ou de l’avocat, le maître d'ouvrage, du détective, qui apporte les éléments de preuve recevables, et de l'huissier de justice, qui fait les saisies ou les constats, indique Jean-Emmanuel Derny. Éventuellement, la police sera la force probante, notamment lorsque l'affaire, ayant débuté en droit civil, évolue vers du droit pénal. Ce qui est le cas pour des affaires de vols en entreprise, de menaces, de chantage... »
L’huissier de justice et le détective privé sont complémentaires dans l’administration de la preuve. « Par exemple, en matière sociale, l’employeur pourra décider de ne produire en justice qu’un constat d'huissier, constat qui aura pu être réalisé grâce à l’enquête préalable du détective privé », illustre Jean-Emmanuel Derny. Autre exemple, un arrêt de la Cour de cassation en date du 25 janvier 2017 impose l’intervention d’un tiers indépendant pour tout constat d’achat par huissier de justice, le détective privé pouvant être ce tiers indépendant.

PRÉCAUTIONS À PRENDRE
Si vous souhaitez faire appel à un détective privé, vous devez vous assurez que vous allez contracter avec une entreprise autorisée par le Cnaps (vérification possible sur www.cnaps-securite.fr) et que les dirigeants mentionnés au Kbis sont bien dotés d’un agrément. Pour exercer cette profession libérale, l’agent de recherche privée doit justifier d’une qualification professionnelle (il existe quatre formations officielles en France). Il doit disposer d’une carte professionnelle. Demandez-lui une copie de sa carte. « Ces vérifications sont indispensables, car de faux détectives privés continuent de sévir, notamment sur Internet, signale Jean-Emmanuel Derny. Non seulement ces personnes exercent une activité réglementée sans agrément, ce qui constitue un délit pénal, mais leurs clients courent le risque que le rapport fourni ne soit pas recevable devant la justice. »
Jean-Emmanuel Derny rappelle qu’un contrat de mandat de pouvoir est obligatoire. Il doit préciser, entre autres, la mission dévolue, le cadrejuridique, le délai estimé, s'il y a sous-traitance, le tarif (base horaire ou forfait), le taux de TVA (20 %), les numéros d’agrément et d’autorisation d’exercer, sans oublier l’indispensable taxe Cnaps de 0,4 %. Une facture et un rapport de mission sont également obligatoires.
« Les tarifs horaires peuvent varier de 50 € à 120 € HT, selon la région et le niveau de difficultés de la mission, précise Jean-Emmanuel Derny. Les frais de déplacement sont en supplément. Lorsque le nombre d'heures évolue de façon importante, généralement le détective doit prévenir son client et peut proposer une dégressivité horaire. Le détective peut également proposer un forfait journalier : entre 500 € et 850 € HT par exemple, ce à quoi il faut ajouter les frais lorsqu'il y en a. »

 


Publié le 28/09/2018


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