COMMUNIQUER SUR SA DÉMARCHE RSE

 

Selon le Ministère de la Transition écologique et solidaire, « le reporting extra-financier se définit comme la communication par une entreprise d’informations sociales, environnementales, sociétales et de gouvernance, contribuant ainsi à une meilleure transparence sur ses activités, ses caractéristiques et son organisation. En tant que tel, il constitue un fondement important de la politique de responsabilité sociétale des entreprises de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes, des citoyens et de l’État ».

 

La RSE est aujourd’hui à la croisée des chemins : reposant dans les premiers temps sur des démarches entièrement volontaires des entreprises, elle entre actuellement dans une voie réglementaire, ce qui conduit à parler de sa juridicisation. Alors que le reporting extra-financier vient d’opérer sa mue à travers la déclaration de performance extra-financière, la loi vigilance du 27 mars 2017 est venue obliger les grandes entreprises à mener un exercice de prévention des risques majeurs relatifs à la RSE. Enfin, la loi Pacte du 22 mai 2019 incite les entreprises à se doter d’une raison d’être et peut être à se transformer en société à mission. Dans ce contexte en pleine évolution, il est essentiel pour les entreprises de ne pas subir ces différentes démarches comme un simple exercice de conformité, dans une logique « tick the box », mais de pleinement se les approprier afin de créer l’opportunité d’intégrer la RSE au cœur de leur stratégie de développement et de leurs choix d’investissements.

 

Belle opportunité de dialogue auprès de l’ensemble des parties prenantes, la démarche RSE permet aux entreprises de faire connaître leurs engagements, leur stratégie RSE et les défis qui les attendent.

 

L’exercice n’en est pas moins périlleux : les entreprises doivent ainsi à la fois jongler avec des textes divers, donner une information fiable de leur maîtrise des risques, en ligne avec leurs obligations réglementaires et les attentes de leurs actionnaires et parties prenantes, tout en ayant à cœur de se préserver d’offrir ainsi un angle d’attaque à leurs opposants. La communication RSE devient ainsi un défi stratégique pour les entreprises.

 

À la lumière des derniers rapports extra financiers publiés, comme des dernières crises traversées par quelques entreprises et des analyses qui ont pu être menées, il se dégage plusieurs tendances sur lesquels les entreprises peuvent s’appuyer pour construire leur communication RSE.

 

 

  1. LES OBLIGATIONS LÉGALES DE COMMUNICATION

Il est très important de comprendre que les sociétés non concernées par l'obligation de procéder au reporting extra-financier ont la liberté d'y souscrire volontairement, en particulier lorsque cela représente un intérêt pour elles au regard de leur secteur d'activités ou de leur clientèle sensible à ces problématiques. Les études des cabinets d'audit font d'ailleurs apparaître que les entreprises sont de plus en plus nombreuses à y souscrire volontairement.

 

  1. Les textes relatifs aux obligations de communication RSE

La France a été fer de lance en matière de communication RSE. Elle a ainsi été l’un des premiers pays à adopter des obligations en matière de reporting extra-financier, et le premier à instaurer l’obligation pour les grandes entreprises de se doter d’un plan de vigilance contre les principaux risques en matière de RSE (droits humains, environnement, droits sociaux). C’est aujourd’hui une mouvance internationale qui se dessine avec la promulgation de nombreuses législations nationales contraignantes en particulier sur les droits humains (loi californienne de 2012 relative à la transparence de la chaine d’approvisionnement en matière de droits humains, UK Modern slavery Act de 2015).

 

Dès la loi NRE (Nouvelles régulations économiques) du 15 mai 2001, le législateur français a été à l’avant-garde en matière de reporting extra-financier en imposant aux sociétés cotées de rendre compte dans leur rapport de gestion de « la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité » (L. n°2001-420, art. 116).

 

La loi Grenelle 2 n°2010-788 du 12 juillet 2010 avait largement étendu le champ de cette obligation, tant au regard des sociétés soumises que de celui des informations concernées. Le Décret du 24 avril 2012 a ainsi soumis à l’obligation de reporting les sociétés non cotées de plus de 500 salariés - chiffre d’affaires ou un total de bilan excédant 100 millions d'euros - et élargi le champ des informations requises à trois thématiques - le social (emploi, relations de travail, santé et sécurité), l’environnement (pollution et gestion des déchets, consommation d’énergie), et les engagements en faveur du développement durable (impacts sociaux, relations avec les parties prenantes, respect des droits de l’homme…). Il a introduit le principe « Comply or explain », qui signifie qu’une entreprise peut ne pas rendre compte d’un sujet à condition d’expliquer en quoi celui-ci n’est pas pertinent pour elle, et instauré un contrôle par un tiers, un organisme tiers indépendant.

 

Le champ des obligations a encore été enrichi par la loi n°2015-995 pour la transition énergétique du 17 août 2015 : le décret du 19 août 2016 y a inclus les thématiques de l’économie circulaire et un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre.

 

La directive Barnier du 22 octobre 2014 est venue étendre cette obligation à l'échelle européenne, animée d'une vision renouvelée : plutôt que de prôner un reporting quasi mécanique sur différents sujets listés, ce qui était le cas du modèle français présentant 42 items, la directive propose une approche par la matérialité, terme anglo-saxon qui signifie l'identification et la priorisation des enjeux majeurs de nature environnementale, sociétale et de gouvernance. Comme il a pu être affirmé, la directive propose une culture de la pertinence plutôt qu'une culture de l'exactitude. Complétée par le décret n°2017-1265 du 9 août 2017, l'ordonnance de transposition du 19 juillet 2017 introduit en particulier un nouvel article L. 225-102-1 dans le Code de commerce qui vient définir le champ des sociétés concernées, ainsi que le contenu des informations dont il faut rendre compte. Ces informations viendront dorénavant prendre place au sein d'une déclaration de performance extra-financière (DPEF).

 

Le plan de vigilance a pour sa part été instauré par la loi du 27 mars 2017 qui vient imposer aux grandes entreprises françaises d’adopter et de mettre en œuvre effectivement un plan de vigilance conçu spécifiquement pour prévenir les atteintes graves aux droits humains, protection de l’environnement, santé et sécurité des personnes, et pour gérer les risques qui en découlent. Ce plan a une dimension préventive essentielle puisqu’il s’attache aux risques liés aux activités des filiales que la société contrôle directement ou indirectement, et à celles des fournisseurs ou sous-traitants avec lesquels la société donneuse d’ordre entretient une relation commerciale établie.

 

  1. Domaine d’application de la DPEF

Étant à l'avant-garde du reporting extra-financier depuis plusieurs années, la France a maintenu l'obligation d'y procéder pour les sociétés non cotées qui dépassent certains seuils, alors que la directive offrait aux États membres la faculté de les exempter de cette obligation. Réciproquement, dans une volonté de simplification des formalités pesant sur les entreprises de petite taille, le nouveau mécanisme exonère les sociétés cotées d'une taille inférieure à certains seuils. On remarque d'ailleurs qu'avec beaucoup de pertinence, le dispositif retient une combinaison de seuils en termes d'effectif de salariés et d'importance du chiffre d'affaires ou de total du bilan, dans la mouvance de la loi Sapin 2, et alors même que la loi relative au devoir de vigilance ne se réfère curieusement qu'au seul effectif du personnel de l'entreprise.

 

Ainsi, il convient de distinguer deux catégories d'entreprises soumises à l'obligation de reporting extra-financier. D'une part, pour les sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé, seront concernées celles qui cumulent un nombre moyen de salariés permanent supérieur à 500 et un total de bilan supérieur à 20 millions d'euros ou un montant net de chiffre d'affaires supérieur à 40 millions d'euros (C. com., art. R. 225-104, al. 2). Les sociétés cotées ne répondant pas à ces seuils retrouvent ainsi une plus grande liberté puisqu'en vertu de l'ordonnance n°2017- 1162 du 12 juillet 2017 portant diverses mesures de simplification ou de clarification des obligations d'information à la charge des sociétés, leur rapport de gestion devra seulement comprendre des indicateurs clés de performance de nature non financière ayant trait à l'activité spécifique de la société, notamment des informations relatives aux questions d'environnement et de personnel, (...) des indications liées aux risques financiers liés au changement climatique et la présentation des mesures que prend l'entreprise pour les réduire en mettant en œuvre une stratégie bas carbone dans toutes les composantes de son activité.

 

D'autre part, les sociétés non cotées concernées sont les mêmes que celles identifiées par la loi Grenelle 2 et le décret n°2012-557 du 24 avril 2012. Il s'agit donc des sociétés qui ont un effectif de salariés permanent supérieur à 500 et un total de bilan ou un montant net du chiffre d'affaires supérieur à 100 M€.

 

Il est important de noter que les sociétés qui ont la forme de SAS sont exemptes d’une telle obligation, point qui a été fortement discuté lors de la transposition de la directive.

 

En outre, l'ordonnance précise la situation au sein des groupes de sociétés. Pre mièrement, il est prévu que les sociétés qui établissent des comptes consolidés conformément à l'article L. 233-16 du Code de commerce sont tenues de publier une déclaration de performance extra-financière lorsque le total du bilan ou du chiffre d'affaires et le nombre de salariés de l'ensemble des entreprises comprises dans le périmètre de consolidation excèdent les seuils. Il est précisé que dans ce cas les informations portent sur l'ensemble des entreprises incluses dans le périmètre de consolidation. Deuxièmement, il est prévu que les sociétés qui satisfont aux critères ne sont pas tenues de publier une déclaration de performance extra-financière lorsqu'elles sont sous le contrôle d'une société qui établit des comptes consolidés conformément à l'article L. 233-15 du Code de commerce et que la société qui les contrôle est établie en France et publie une déclaration conformément au droit français, ou est établie dans un autre pays membre et publie une déclaration en application de la législation dont elle relève. En conséquence, une filiale française dont la société mère serait implantée hors de l'Union européenne, et qui dépasse les seuils, est tenue de produire une déclaration de performance extra-financière, alors même que sa mère publierait un rapport extra-financier consolidé. Réciproquement, une filiale française d'une société mère française ou européenne sera dispensée d'une telle déclaration. Pourtant, il demeure des hypothèses où une telle filiale aura intérêt à produire individuellement une déclaration de performance extra-financière, en particulier lorsqu'elle exerce une activité très différente des activités de la société mère et qu'elle se déploie dans un secteur d'activités sensible aux questions environnementales et de droits sociaux.

 

  1. Domaine d’application du plan de vigilance

La loi vigilance a un champ d’application beaucoup plus étroit : elle s’applique à « toute société qui emploie, à la clôture de deux exercices consécutifs, au moins cinq mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français, ou au moins dix mille salariés en son sein et dans ses filiales directes ou indirectes dont le siège social est fixé sur le territoire français ou à l’étranger ». Selon l’opinion majoritaire, cela signifie que le seuil de 10 000 salariés n’a vocation à s’appliquer que si des filiales d’une société mère française sont implantées à l’étranger.

 

De plus, s’agissant des entreprises dont la société mère ou l’entreprise donneuse d’ordre sera responsable, il s’agit là d’une question cruciale en ce qu’elle façonne le périmètre de leur responsabilité. La loi se réfère premièrement aux filiales que la société contrôle, au sens du II de l’article L. 233-16 du Code de commerce, directement ou indirectement. Il s’agit là du critère de la consolidation comptable qui s’étend essentiellement aux sociétés contrôlées par l’exercice des droits de vote ou par la désignation des organes de direction. Deuxièmement, les sociétés doivent s’attacher aux comportements des sous-traitants ou des fournisseurs avec qui elles entretiennent « une relation commerciale établie ».

 

 

  1. L’étendue des informations RSE à communiquer

 

1.2.1. La DPEF autoportante ou intégrée au rapport de gestion

Le reporting extra-financier a véritablement changé de visage depuis l’adoption de la DPEF : celle-ci doit offrir aux différentes parties prenantes une vision d’ensemble de la politique RSE de l’entreprise dans un souci de concision. C’est le critère de matérialité des informations qui doit être retenu, ce qui veut dire que seules les informations significatives au regard des activités de l’entreprise doivent être sélectionnées afin que la lecture de la DPEF permette une juste compréhension des impacts sociaux et environnementaux.

 

L'article R. 225-105 du Code de commerce expose que la déclaration de performance extra-financière doit présenter le modèle d'affaires de la société, et pour chaque catégorie d'informations concernées, une description des principaux risques, une description des politiques appliquées par l'entreprise, y compris le cas échéant les procédures de diligence raisonnable mises en œuvre pour prévenir, identifier et atténuer la survenance des risques, et les résultats de ces politiques, incluant les indicateurs clés de performance. Il est précisé de plus que la déclaration doit expliquer de façon claire et motivée les raisons pour lesquelles la société n'applique pas de politique en ce qui concerne un ou plusieurs risques, conformément au principe "appliquer ou expliquer" (C. com., art. R. 225-105, I, 3°).

 

Pour la description de ces différents éléments, la DPEF pourra parfois renvoyer aux autres parties du document d’enregistrement universel ou reprendre l’ensemble des éléments dans un seul corpus autonome, ce qui facilitera sa lecture. Ainsi, s’agissant de la description de son modèle d’affaires, l’entreprise peut opérer par renvoi, même s’il serait opportun de faire l’effort de décrire le modèle d’affaires au regard des enjeux de la stratégie RSE dans une perspective de long terme. Certaines entreprises font l’effort de décrire les différents flux de ressources en les rattachant aux différentes parties prenantes. D’autres s’attachent à une description qui intègre les différents objectifs de développement durable (ODD) qu’elles poursuivent, et souvent sous forme de représentation visuelle. Il serait de même judicieux de donner des éléments de contexte et d’impacts socio-économiques et environnementaux en indiquant comment ils se répercutent sur le modèle d’affaires.

 

S’agissant de la cartographie des risques extra-financiers, il est important de s’attacher à plusieurs éléments. Premièrement, il est très opportun de décrire la méthodologie utilisée pour recenser les risques, le niveau de granularité retenu, l’utilisation de certains référentiels tels par exemple GRI ou SASB et le fait que l’on recense les risques bruts ou nets. Deuxièmement, il est primordial de faire le lien entre ces risques et leurs impacts sur les questions sociétales et environnementales : contrairement à la cartographie des risques financiers tournée vers l’entreprise, celle des risques extra-financiers doit s’attacher à identifier les risques que l’activité de l’entreprise fait courir aux différentes parties prenantes et à l’environnement, et non l’inverse. On parle ici de double matérialité. Enfin, troisièmement, la question de l’implication de la direction et des parties prenantes dans la définition des risques est cruciale, et cela doit être explicité.

 

En outre, la DPEF doit présenter les politiques de gestion de ces risques, y compris sous forme d’indicateurs chiffrés, les KPIs. Sur ce point, il est essentiel de bien faire le lien entre les risques, les politiques et les indicateurs, éventuellement sous forme de tableaux de synthèse qui sont toujours très significatifs. Cet alignement est essentiel et il s’agit souvent d’une voie de progrès pour les premières DPEF publiées.

 

Il apparaît ainsi clairement que la rédaction de la DPEF est un véritable exercice de stratégie à mettre en lien avec la réflexion interne sur la stratégie RSE de l’entreprise. Il est inapproprié de le subir comme une contrainte réglementaire supplémentaire, autant le saisir comme une opportunité de redéfinir la stratégie RSE de l’entreprise en s’interrogeant sur sa cohérence. Pour l’exercice de rédaction lui-même, les différents référentiels existants peuvent être un grand apport, ainsi que les différents rapports qui dressent un état des lieux sur les premières DPEF mises en place.

 

1.2.2. Plan de vigilance

 

Le plan de vigilance est un véritable outil de consolidation et de renforcement des processus de prévention et de gestion des risques en matière d’environnement, santé et sécurité, droits humains. L’article L. 225-102-4 du Code de commerce énumère les différents éléments qui doivent figurer dans un plan de vigilance : cartographie des risques, procédures d’évaluation des filiales, sous-traitants ou fournisseurs, actions adaptées d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves, mécanisme d’alerte et de recueil des signalements et dispositif de suivi des mesures mises en œuvre, ainsi que publication dans le document d’enregistrement universel.

 

La loi encourage les entreprises à établir le plan en association avec les parties prenantes, ce qui est une démarche très logique à l’instar de ce qui devrait être fait pour la DPEF. En effet, dans la recherche des risques d’atteintes graves aux droits humains, à l’environnement et à la santé et sécurité des personnes, le dialogue avec les parties prenantes doit jouer un rôle majeur. En pratique, il apparaît que les entreprises ont parfois été réticentes à engager un véritable dialogue, de crainte que cet exercice ne se retourne contre elles et ne suscitent des recours contentieux. Pourtant, les témoignages des entreprises qui ont pris ce parti démontrent que cet exercice peut être un véritable enrichissement dans la compréhension des risques tout le long de la chaine d’approvisionnement, et permet de véritablement inscrire la stratégie RSE de l’entreprise dans une démarche de progrès. Là encore, pour l’exercice de rédaction, il est très inspirant d’aller consulter les différents rapports qui dressent les premiers constats sur les plans de vigilance publiés depuis 2018.

 

  1. L’articulation et les passerelles entre les différents documents

 

Les premiers retours d’expérience enseignent que les entreprises sont souvent assez floues dans la définition du périmètre de consolidation, qui est souvent focalisé holding vs filiales, comme a pu le relever l’AMF dans son rapport sur la responsabilité sociale, sociétale et environnementale des sociétés cotées de novembre 2019 qui note que les sociétés doivent améliorer la transparence sur le périmètre de reporting extra-financier (p. 39). Sur ce point, il est souvent opportun de travailler en zone géographique si cela a du sens ou en action par type d’activité dans les filiales, plutôt que par filiale.

 

C’est aussi la cohérence entre ces différents instruments qui traitent de thématiques identiques (droits humains, santé et sécurité des personnes, environnement) qui interroge et soulève une problématique de gouvernance. Il apparaît souvent que la rédaction du plan de vigilance est placée entre les mains de la direction juridique tandis que celle de la DPEF est laissée au département RSE ou DD. Cette approche en silos est peu fertile et ne favorise pas les interactions entre les divers volets de la démarche RSE. Une solution peut alors être de fonctionner en mode projet avec des collaborateurs de ces différentes directions.

 

  1. LES ENJEUX DE LA COMMUNICATION RSE ET LEUR MISE EN ŒUVRE À LA LUMIÈRE DES RÉCENTES COMMUNICATIONS RSE

 

  1. Un enjeu de clarté

Les différents rapports sur les premiers plans de vigilance et les premières DPEF mettent en exergue un besoin de simplification de la communication afin d’en rendre la compréhension bien plus simple par le lecteur. Ces documents doivent expliciter en particulier les périmètres de consolidation de l’entreprise retenus et les méthodologies des cartographies des risques et des indicateurs clés de performance. Ces derniers sont particulièrement importants en ce qu’ils doivent être structurés autour de politiques et objectifs clairs, précis et mesurables, et doivent être le reflet de la trajectoire de l’entreprise en matière de RSE afin de venir exprimer la capacité de l’entreprise à évoluer en matière de développement durable.

 

De même, afin de bien respecter une approche par la matérialité, il est important de se concentrer sur les thématiques pertinentes au regard des activités de l’entreprise ; pour le reste, il suffira de préciser que ces thèmes ne sont pas couverts du fait qu’ils ne sont pas pertinents par rapport à l’entreprise. Le rapport de l’AMF précité indique bien qu’il ne s’agit pas de faire des DPEF longues mais pertinentes.

 

 

2.2 Un enjeu de cohérence

 

2.2.1 Communiquer précisément sur l’analyse des risques et les mesures de prévention adoptées

Beaucoup d’entreprises prennent appui sur un référentiel afin de structurer leur communication RSE, ce qui est très opportun. À cet égard, il apparaît que le référentiel du GRI (Global Reporting Initiative) a été très utilisé dans les premiers exercices de reporting mais est aujourd’hui en recul. Le modèle de communication de l’ISO 26000 est souvent utilisé, même s’il est plus naturellement adapté aux grands groupes. Parmi les modèles généraux, les ODD (objectifs de développement durable adoptés par les Nations Unies en septembre 2015) s’imposent avec force dans les derniers exercices. Ainsi, 80 % des plus grandes entreprises françaises les utilisent avec des approches plus ou moins intégrés. Souvent, les entreprises vont se référer à 3 ou 4 objectifs qui sont en lien direct avec leurs activités : là encore, la cohérence doit être de rigueur.

 

La diversité des sujets et leur technicité incitent à utiliser des référentiels thématiques. Ainsi, s’agissant de la question du climat et des émissions de gaz à effet de serre, le référentiel du TCFD (Task force in climate-related financial disclosures) apparaît comme le modèle de référence.

 

On note d’ailleurs une guerre d’influence très forte entre les États-Unis et l’Europe sur ces référentiels, à l’heure où est en train de se structurer une taxonomie européenne des investissements qui pourrait devenir le modèle universel. Les investisseurs américains tentent en retour d’imposer le modèle du SASB (Sustainability accounting standards board) que très peu d’entreprises européennes adoptent.

 

Lorsqu’une entreprise utilise plusieurs référentiels, ce qui est très courant pour les grandes entreprises, la pratique d’établir une grille de correspondance entre les différentes informations et les référentiels utilisés pour structurer ces informations est d’une grande clarté et doit être encouragée.

 

Les engagements de l’entreprise doivent se décliner en des termes suffisamment précis : par exemple, sur la question climatique, une entreprise ne peut se cantonner à annoncer une ambition de neutralité carbone à une certaine date sans expliquer comment elle va parvenir à satisfaire cet objectif, notamment en précisant quels sont les scopes des activités visés (seulement les scopes 1 et 2, ou aussi le scope 3) et si elle envisage de recourir à de la compensation carbone, sous quelles formes celle-ci se réalisera (séquestration ou captation).

 

De même, en matière de droits fondamentaux, il faut préciser les moyens par lesquels va s’exercer par exemple la lutte contre le travail dissimulé, préciser les procédures concrètes pour s’engager à limiter les horaires, payer les heures réellement effectuées, donner un choix au salarié, former et améliorer la productivité du salarié, etc.

 

Enfin, il est essentiel que ces engagements se déclinent sous forme de KPIs (objectifs chiffrés) qui permettront d’une part de mettre en lumière l’évolution de l’entreprise sur ces points, et d’autre part d’emporter la conviction des dirigeants qui sont familiers d’un langage construit autour d’objectifs chiffrés. Il sera nécessaire de préciser comment sont construits ces KPIs afin que puissent s’opérer une comparaison entre les différentes entreprises. Ainsi, il est relevé que l’indice de la parité femmes-hommes, très souvent renseigné par les entreprises, a des significations très variées selon qu’il porte pour les grandes entreprises sur les 100 premiers cadres de l’entreprises ou les 500 premiers managers.

 

Focus ligne d’alerte : une orientation essentiellement anticorruption au détriment des autres thèmes RSE

Développée à l’occasion de la loi Sapin 2 du 9 décembre 2016, la procédure d’alerte n’est pas valorisée sur les thématiques couvertes par le devoir de vigilance, et n’est pas toujours ouvertes aux parties prenantes externes. Par conséquence, la communication sur les systèmes d’alerte est essentiellement tournée vers l’anticorruption mais sans section consacrée aux sujets plus largement RSE.

 

Gestion de crise

Les actions à mettre en œuvre lors des situations de crise sont rarement citées dans les référentiels RSE. Il y a peu de retours d’expériences sur les gestions de crises passées alors qu’elles sont souvent sources d’enseignement. Ainsi, la crise de la Covid 19 donnera-t-elle sans doute l’occasion de corriger ce point car toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, ont été confrontées à de profondes difficultés d’approvisionnement et d’exercice de leurs activités.

 

2.2.2 Alignement des risques, des politiques mise en œuvre et des résultats.

Il est très important qu’il existe une grande cohérence entre les risques identifiés par la cartographie, et les politiques de gestion mises en œuvre. Il est impératif de préciser si l’entreprise fait état des risques brut ou net.

 

Écueil à éviter : Peu de contenu sur les actions correctives ou d’atténuation des risques.

 

D’un rapport annuel à l’autre, on voit peu de relais des actions correctives qui ont été déployées lors des exercices précédents et suivants pour améliorer les résultats et renforcer les engagements.

 

2 .3 Un enjeu de renforcement des engagements RSE à travers la mise en œuvre de la communication

 

Rappelons qu’il y a tout à gagner à prendre les exercices de communication RSE comme des opportunités de mieux penser sa démarche et de l’inscrire au cœur de la stratégie de développement, plutôt que de s’inscrire dans une vaine logique tick the box ! Cela permettra aussi de fédérer toutes les forces des collaborateurs autour de ces projets très porteurs de sens. On note d’ailleurs que les talents sont aujourd’hui dans une forte attente de sens dans leur sphère professionnelle et privilégient les entreprises qui s’engagent dans une réelle démarche, au-delà d’un exercice de green washing. Il est très instructeur de lire « les ficelles du green washing » élaboré par le collectif d’étudiants Pour un réveil écologique.

 

2.3.1 Mettre en avant les engagements au plus haut niveau

Dans cet exercice, l’engagement du top management est essentiel à la mise en mouvement de l’entreprise. Il apparaît d’ailleurs que les entreprises les plus avancées, quelle que soit leur taille, sont celles dans lesquelles le dirigeant est personnellement impliqué dans la démarche RSE. Celle-ci se déclinera ensuite sous la forme d’objectifs clairs qui viendront alimenter les décisions stratégiques et opérationnelles de tous les jours en s’appuyant sur le référentiel.

 

2.3.2 Focus sur la communication autour des risques RSE et les opportunités de renforcement de l’identité de marque, sous forme dynamique

La communication RSE doit s’attacher à valoriser les politiques mises en œuvre pour prévenir, identifier, atténuer les risques.

 

Comment décrire ? Il faut définir les principaux objectifs ; la méthode d’atteinte, les plans d’actions mis en œuvre ; rôle de la gouvernance et des responsabilités de la direction dans la politique RSE -présentation des décisions de la direction, de la structure de gouvernance.

• Intégrer tout le périmètre de la société

• Recenser les engagements pris

• Les objectifs d’amélioration : chiffrés ou non

• Les principes d’organisation

• Référentiel à des normes, référentiels, système de management : limites éventuelles

• Communication de ces politiques

 

En outre, il est important de recenser l’articulation et l’harmonie entre les risques, les politiques mises en place et leurs résultats, aux objectifs RSE :

• Lien avec les politiques, chartes, questionnaires, audits

• Bilan des actions

• Contribution et diminution des impacts

 

Les présentations peuvent être sous forme variée afin de renforcer la dynamique : focus, témoignages, illustrations

 

2.3.3 Travailler la communication autour des parties prenantes

Les relations avec les parties prenantes doivent s’articuler différemment selon qu’elles sont internes ou externes.

 

Pour les contributeurs internes : valoriser les partages ou co-constructions de plan d’actions, charte, code de conduite et les interactions avec les différentes instances tels que comité des risques, audit interne,

Dans les relations avec les tiers externes, fournisseurs et sous-traitants, il est possible de communiquer les questionnaires ou modèles d’audit.

 

Une communication précise sur la place du dialogue social dans l’élaboration ou le suivi des référentiels RSE, la place du dialogue sociétal (c’est-à-dire avec des parties prenantes externes à l’entreprise) peut être particulièrement appréciée ou valorisée. Il est important de mettre en lumière l’approche collaborative. Cf le guide relatif aux parties prenantes.

 

Écueil à éviter : Peu de place laissée aux parties prenantes

La mention du dialogue social comme élément du processus de construction du plan de vigilance est souvent stigmatisée comme un parent pauvre des publications d’entreprise. Les entreprises citent plus souvent le dialogue sociétal comme une source d’inspiration dans leur élaboration que comme un élément de co-construction.

La concertation avec les organisations syndicales n’est présentée que très rarement.

 

Néanmoins, les choses sont en train de changer sous l’influence de la loi Pacte : un réel dialogue avec les parties prenantes est souvent développé à l’occasion de l’adoption d’une raison d’être par les entreprises, ce qui devient un grand mouvement dans les grandes entreprises françaises.

 

 

 

 


Publié le 25/04/2021


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